Il se tenait là , tout penché, comme le vent l’y avait contraint à  force de tant d’années passées à s’en protéger, enraciné aussi profond qu’il le pouvait, comme agrippé à  ce peu de terre qui restait sur cette piste gelée plus qu’enneigée.

J’avais glissé.

Alors que je pensais toucher le sol, une de ses branches épuisée m’a retenue et tout en me redressant j’ai trouvé appui sur son tronc tout tordu.

Reprenant doucement mon souffle, je l’ai regardé. Il semblait tout content que je ne sois pas tombée. Sous mes doigts engourdis j’ai senti une chaleur bienvenue, la douceur de son habit moussu avait rendu la chute légère. Je suis restée un moment appuyée contre lui, j’ai pris le temps de faire sa connaissance, mes mains l’ont caressé tendrement, j’ai bien entendu qu’il me parlait…

Il me disait qu’il se souvenait, que la bise n’avait rien effacé, que le froid n’avait rien entamé, que je pouvais y penser sans pleurer, que là -bas sur le bord du chemin où ils aimaient marcher, une brume les protégeait, que partout où nous étions allés, je les retrouverai, pour peu que j’accepte d’ouvrir grand mon coeur aux petits bonheurs qui, chaque jours sans eux continuent à  donner à ma vie un parfum d’avenir…

A regret j’ai dû le quitter, continuer mon chemin escarpé, mais l’avoir rencontré m’avait fait du bien. Rouge-Gazon gardera à  jamais au creux de ses vallons leurs silhouettes effacées, je pourrai y revenir sans trop de chagrin, puisque, un peu plus haut là -bas, un arbre se souvient d’eux comme moi.

A Bernard et Jean-Paul

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