Depuis des mois déjà tu le regardais d’une autre façon, tellement plus intensément…
Tu gravais dans ton coeur chacun de ses gestes, tu photographiais les expressions qui lui étaient familières,
Tu as au creux de l’oreille le son de sa voix, cette façon qu’il avait de rire, et toutes ces choses que vous aviez encore à  vous dire…

Tu as dessiné son corps au crayon noir du chagrin que tu voyais avec effroi s’approcher de toi,
Jusqu’au bout tu l’as porté, à  force d’espoir et de rage de ne pas trouver comment le garder,
Désormais tu es certain de ne plus avoir le même avenir,
Tu penses à  tous ces jours où il faudra faire semblant de supporter son absence, alors que personne ne se doutera des larmes qui couleront en toi,

Tu détesteras la gentillesse dont on t’entourera, tu haïras tous ces mots qui ne consolent pas, tu fuiras tout ce qui ne te le rappelle pas,
Ceux qui t’aiment devront te « re-connaître », apprendre à  respecter ce qu’il a fait de toi en s’en allant,
Du temps, il t’en faudra du temps, pour simplement réaliser qu’il est vraiment parti, pour ne pas penser à lui sans d’abord te souvenir de ce que la maladie fit de lui,
A force de colère et de renoncement, à force de sanglots et de batailles vaines, doucement arrivera  comme un apaisement,

L’idée te viendra qu’être malheureux ne te le ramènera pas,
La mort te l’arrachant, c’est une part de toi qui l’a suivi, mais tu te souviendras que restent ici bas bien des gens qui t’aiment aussi et qui ont besoin de toi.
Tu toucheras le fond de cette tristesse infinie, en y prenant appui tu t’élanceras vers ceux qui t’attendent déjà ,
Et c’est parce qu’il n’est plus là  que tu les verras, eux aussi, plus intensément, et que jamais plus tu ne voudras perdre de temps…

Pour Gilles, son Papa, avec tendresse, pour Denise, sa Maman, Elodie, sa sœur, et pour tous les siens, cette timide et périlleuse tentative de partage d’un chagrin innommable.

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